Chapitre 1
Rapportez de l'or,
coûte que coûte
Si l'or avait été plus abondant sur terre, par exemple aussi abondant que le sel, malgré sa beauté et ses qualités physiques uniques il aurait eu beaucoup moins de valeur. On a pourtant découvert de l'or sur tous les continents – une contradiction avec sa rareté, semble-t-il, mais ce n’est qu’une apparence. Les dépôts aurifères, sous une forme ou sous une autre, sont effectivement répandus ; néanmoins aucune région du monde ne cède son or facilement. Découvrir et extraire l'or a toujours demandé des efforts considérables en comparaison des petites quantités de métal jaune et brillant qui sont produites à la fin.
Pour produire les cinq cents tonnes d'or annuelles environ d'Afrique du Sud*, il est nécessaire d’extraire et de traiter soixante-dix millions de tonnes de minerai – le volume de la pyramide de Khéops.1 Les mines d'Afrique du Sud sont les plus effroyables, mais nous avons tous encore en tête les histoires racontées par les Forty-Niners** qui, après des jours et des jours d'orpaillage dans le lit des rivières de Californie, n’avaient trouvé que quelques minuscules fragments d'or. Comme l'a dit Will Rogers au retour d'un voyage au Klondike, « Il y a une grande différence entre prospecter à la recherche d’or et prospecter à la recherche d’épinards. »2
L’infime rapport entre les résultats et les efforts n’a pourtant jamais découragé les hommes de poursuivre leur recherche de l'or à travers le monde – une preuve, s'il en est, du caractère si désirable, essentiel, irrésistible dont a, de tous temps, joui l'or. Même dans les mythes, ainsi que va le montrer ce chapitre, la quête de l'or a toujours été insatiable.
* * *
L'or ne se mélange pas avec les autres métaux. Dans les massifs montagneux, ses minces filons courent intimement mêlés au granit et au quartz qui remplissent les fissures de la croûte terrestre, les différents matériaux pressés les uns contre les autres à des températures extrêmes depuis des millions d'années. Au cours des âges, les éléments ont lavé, disloqué, dispersé ces dépôts. Mais l'or a généralement conservé un haut degré de pureté, même après les outrages de la nature. Une partie de cet or a dévalé les torrents. à cause de son poids et de sa densité, l'or a tendance à se séparer des autres substances présentes dans l'eau : soit il tombe au fond sous forme de pépites, soit il s'écoule en fine poussière.
Relativement à la demande, l'or était certainement beaucoup plus abondant dans l'Antiquité, en particulier en Égypte et au Moyen-Orient, qu'il ne l’a été depuis l'époque romaine jusqu’à nos jours. On n’a pas besoin de beaucoup d’or quand on réserve son usage à l'ornementation et la décoration, et qu’il n’est ni transformé en pièces de monnaie ni thésaurisé. L'industrie minière égyptienne ne produisait sans doute pas plus d'une tonne d'or par an.3 Jusqu'à l'apparition des pièces de monnaie qui disséminèrent l'or dans la population et accrurent considérablement la demande, la plus grande partie de l'or était la propriété des monarques et des prêtres. Sa fonction était essentiellement ostentatoire : pour marquer le pouvoir, la richesse, l’éminence ou la familiarité avec les dieux. Le reste allait dans la joaillerie et ou dans d’autres formes d’enjolivement individuel.
Quand Moïse descendit du mont Sinaï pour révéler à son peuple les Dix Commandements, il découvrit les Juifs en adoration devant le Veau d’or. Les voir se prosterner ainsi devant une idole semblable à celles adorées par les Égyptiens honnis le mit dans une telle fureur qu'il fracassa les tablettes portant la Parole de Dieu, les Dix Commandements qu’il rapportait avec lui. Cette histoire prouve que les Juifs, même esclaves, possédaient de grandes quantités d'or. Il ne leur vint pourtant jamais à l'idée de l’utiliser pour soudoyer leurs geôliers et mettre fin à leur captivité en Égypte. L'or n'était pas encore perçu comme une monnaie. Ils n'auraient du reste pas trouvé beaucoup de preneurs. Jusqu'à ce qu'ils fondent leur or pour façonner le Veau d’or, ils ne l’utilisaient que pour orner leurs oreilles, leurs bras et leurs cous.
La Bible contient plus de quatre cents mentions de l’or, ce qui confirme qu'il était abondant. Le pauvre Job déclare : « Si dans l’or j'avais mis mes espoirs, ou si j’avais dit à l'or "tu es mon espérance" ; si je m'étais réjoui... que mes mains en fussent remplies... cela eût été une injustice que le juge aurait punie ; car j'aurais renié le Dieu tout puissant. »4 Dans la genèse 13 il est dit qu'Abraham, le fondateur de la nation juive, « était riche de bétail, d'argent et d'or. » Il confia au serviteur qui alla chercher Rebecca de la vaisselle et une boucle en or.
Quand Moïse gravit le mont Sinaï pour y recevoir la Parole de Dieu, Celui-ci ne lui demanda pas seulement de transmettre ses Dix Commandements et toutes les règles et obligations qui les accompagnaient au peuple élu. Dieu donna aussi des instructions précises pour l’édification d'un sanctuaire où les Juifs lui rendraient un culte, avec des détails sur le tabernacle à installer dans le sanctuaire. Tout d’abord, Dieu spécifia : « Tu le recouvriras d'or pur ; l'intérieur et l'extérieur tu plaqueras, et tu poseras dessus une couronne d'or qui en fera le tour. » Et ce n'était qu'un hors d’œuvre : Dieu ordonna ensuite que le mobilier, les appliques et tous les éléments décoratifs, comme les chérubins, soient aussi recouverts d'or. Les instructions dans les Chapitres 25-28 de l'Exode se poursuivent sur près de quatre-vingts paragraphes décrivant avec des détails fastidieux les plans et les dimensions.
Une fois installés en Terre Promise les Juifs ont continué à amasser de l'or, essentiellement en pillant les tribus qu'ils avaient vaincues. Par exemple Moïse et son armée prirent trois cents livres d'or aux Midianites, « des bijoux en or, des chaînettes pour cheville, des bracelets, des anneaux, des boucles d'oreille et des manilles. »5 L'or brillait sur les murs intérieurs du grand temple de Salomon (dont la partie occidentale est le Mur des Lamentations de la Jérusalem actuelle) qui avait 135 pieds de long, 35 pieds de large et 50 pieds de haut* et était composé de trois chambres. Salomon aimait recouvrir d'or ses possessions personnelles : ses boucliers étaient en or, son trône d'ivoire était couvert d'or et il buvait son vin dans des gobelets d’or.6 Quand la reine de Saba lui rendit visite, elle apporta avec elle (c’était comme apporter du charbon à Newcastle !**) une quantité d'or estimée à plus de trois tonnes – une valeur de plus de $15 millions au prix actuel.7
Le sanctuaire et le tabernacle construits par Moïse selon les spécifications précises de Dieu ont disparu et le temple imposant de Salomon aux murs recouverts d'or n'est plus. Mais en 532 de notre ère, après six ans de travaux ayant employé dix mille hommes et utilisé douze tonnes d'or, l'empereur byzantin Justinien, devant sa nouvelle église Sainte Sophie de Constantinople, pouvait s'exclamer : « Je t'ai surpassé, Salomon ! »8 Justinien savait se servir de l'or. Il avait hérité de 320 000 livres d'or, les avait entièrement dépensées, puis avait imposé ses sujets afin de payer ses armées de mercenaires, financer des travaux publics et, surtout, soudoyer ses ennemis pour qu’ils restent chez eux. L'or exprimant la puissance de l'Église apparaîtrait souvent dans des magnifiques mosaïques dorées et dans d’autres décorations en Italie et en Espagne et même dans les lointaines steppes de Russie.
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Ni Salomon ni Jéhovah lui-même ne furent, pourtant, les premiers à utiliser l'or pour imposer le respect. Les Égyptiens des hautes dynasties lancèrent la mode qu’allaient suivre les autres religions, y compris celle des Juifs. Ces derniers avaient de la chance avec leur Dieu unique car les Égyptiens, eux, avaient deux bons milliers de divinités à vénérer, dont beaucoup étaient plus ou moins cousines avec le tout-puissant Dieu Soleil. Vous consommez rapidement beaucoup d'or quand vous devez prouver au monde la puissance et l'omniscience de deux mille déités. Les Chrétiens, qui ne reconnaissent qu'un seul Dieu mais qui prient quand même plusieurs milliers de saints, sont familiers du problème.
En Égypte l'utilisation de l'or était une prérogative royale que seuls les pharaons pouvaient exercer. Cette restriction rendait d’autant plus facile à accepter que les pharaons, qui se paraient de la même substance que celle qui embellissait leurs dieux, eussent eux-mêmes un rôle divin et fussent d’une nature céleste. La création de bijoux en Égypte était un art supérieur que l'on prodiguait sans compter aux monarques défunts aussi bien qu’aux vivants.
Un pharaon fascinant fit étalage de son or d’une manière particulièrement grandiose. Ce pharaon se trouve être une pharaonne, que l'égyptologue James Henry Breasted a décrite comme « la première grande dame de l’histoire. » Hatshepsout était la fille de Thoutmosis I, le premier pharaon à être enterré à Thèbes, dans la Vallée des Rois, aux alentours de 1482 av. J.-C. Après s’être emparée du pouvoir de son neveu et beau fils, vers 1470, Hatshepsout régna en tant que roi jusqu'à sa mort vers 1458. Son nom officiel complet comportait près de quatre-vingts titres dont Fils du Soleil et Horus d'Or (le dieu égyptien de la lumière). Même si elle rata la possibilité de rajouter le titre royal traditionnel de Taureau Puissant, elle est néanmoins représentée en homme dans la plupart des oeuvres d'art de l’époque.9
De quelque façon qu'on la regarde, Hatshepsout était une femme remarquable. Elle développa de manière importante le commerce de l'Égypte avec la Palestine, la Syrie et la Crète – une activité qui avait diminué durant les cent cinquante années précédentes alors que l'Égypte était occupée par les envahisseurs asiatiques connus sous le nom d’Hyksos. Tout au long de son règne des explorations furent menées pour rechercher de l'or. Elles descendirent toujours plus au sud, peut-être jusqu'au Zimbabwe.
Les besoins en or d’Hatshepsout étaient considérables car c'était aussi un bâtisseur sur une échelle telle qu’en comparaison Louis XIV n’est qu’un amateur avec son palais de Versailles. Elle aimait aussi dorer son visage avec un mélange de poussière d'or et d'argent. Quand elle décida d'ériger un grand monument dédié à Amon Râ, le chef des dieux de Thèbes, son idée initiale était d’élever deux colonnes en or de trente mètres de haut, chacune dépassant les murs du complexe de Karnak, lequel couvrait une superficie plus vaste que le Vatican. Comme son chancelier lui faisait valoir qu'il convenait d’être un peu plus économe, elle se rabattit sur des piliers en granit et couvrit seulement leur sommet avec de l'or. Mais, même pour ce projet réduit, il en fallait des quantités généreuses. Une fois le travail fini, elle déclara « Leur hauteur transperce les cieux... Quand le soleil se lève entre les deux colonnes, leurs rayons inondent les Deux Pays... Toi qui, dans de longues années, apercevras ces monuments, tu déclareras "nous ne savons pas comment ils ont pu construire ces montagnes en or." »10
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Aux premiers temps de la Bible et de l'ancienne Égypte, près de quatre mille ans avant Jésus-Christ, la plus grande partie de l'or provenait des terres lugubres du sud de l'Égypte et de la Nubie. Nub est l’ancien mot égyptien signifiant or. La Nubie a continué à fournir de l'or à l'Occident jusqu'au XVIe siècle. Selon un auteur autorisé, « jusqu'à la découverte de l'Amérique, la production des mines nubiennes excéda largement celle de l'ensemble des autres mines du monde connu. »11
A l’origine, les Égyptiens extrayaient leur or en creusant des tranchées peu profondes. Puis, avec le temps, ils creusèrent des réseaux de tunnels qui s'enfonçaient profondément dans les collines. Plus les mines étaient profondes, plus le travail humain y était pénible. La description la meilleure que nous avons de l'horreur du travail dans ces mines est celle de Diodore de Sicile, un Grec qui voyageait en Égypte à l'époque où César était maître de Rome. L'air des puits était fétide, appauvri encore par les petites lampes qui éclairaient péniblement les ténèbres. La chaleur était intense, les effondrements fréquents et les poches d'eau souterraines un danger permanent. Le feu employé pour briser le quartz de la roche dégageait des vapeurs d'arsenic qui provoquaient une mort atroce chez les esclaves qui les inhalaient. Les hommes, qui devaient travailler allongés sur le dos ou sur le côté, étaient littéralement exploités à mort, quand ils n'avaient pas déjà été écrasés par des chutes de rochers avant de mourir d'épuisement.12
Il n'est pas surprenant que l'esclavage fût si répandu – et la guerre si importante – car les victoires renouvelaient le flot de main d’oeuvre absorbé par les mines. Les rois d'Égypte, nous apprend Diodore, n'asservissaient pas seulement les criminels notoires et les prisonniers de guerre, mais aussi « leurs proches et leurs relations » – les hommes, les femmes et les enfants étaient dirigés à coup de fouet, sans logement ni soin d'aucune sorte.13 Astucieusement, les esclaves étaient gardés par des mercenaires de nationalités différentes. Ainsi, comme ils ne parlaient pas le langage des esclaves qu’ils surveillaient, il y avait peu de risques que ces derniers corrompent ou bien conspirent avec leurs geôliers pour s'échapper.14
L'emploi de la main d’œuvre humaine resta la technique minière de base jusqu'au XXe siècle – si l’on excepte un procédé mis au point par les Romains en Espagne, dont les massifs aurifères furent un des piliers de l'économie romaine. Les Romains commencèrent par utiliser le travail humain pour creuser jusqu'à plus de 200 mètres de profondeur et extraire le minerai espagnol, mais ensuite ils introduisirent une nouvelle méthode de forage hydraulique qui consistait en un découpage de la roche à l'aide de puissants jets d'eau pour dégager les filons aurifères. L'eau descendait sous pression de grands châteaux d'eau placés à deux ou trois cents mètres au-dessus du site d'extraction. Cette méthode, bien que merveilleusement efficace et productive, arasait en les lessivant des montagnes entières, détruisant les terres fertiles et envasant les rivières et les ports.15
Le forage hydraulique a été occasionnellement employé dans d'autres régions d'Europe, mais c’est surtout en Californie, en 1852, au plus fort de la ruée vers l'or, qu’il fit sa réapparition la plus spectaculaire. On reproduisit consciencieusement dans la région de Sacramento la technique des Romains, avec un débit d'eau sous pression allant jusqu'à cent mètres cube par minute qui giclait contre les roches des montagnes et des collines. Les dégâts sur l'environnement étaient épouvantables. Des forêts et des terres agricoles disparurent en un rien de temps. Les déchets se déversaient jusque dans la baie de San Francisco, laissant derrière eux des montagnes éventrées et des paysages désolés parsemés d'amas de cailloux. Le forage hydraulique resta le principal mode d'extraction de l'or en Californie jusqu'en 1884, date à laquelle des citoyens en colère parvinrent à le faire mettre hors-la-loi.
De nos jours, dans les grandes mines d'or d'Afrique du sud, les puits s'enfoncent jusqu’à trois kilomètres sous terre et la température y dépasse les 50° Celsius. D’après une source, « pour produire une once d'or fin il faut 38 heures x homme, 5000 litres d'eau, la quantité d'électricité consommée par une maison de taille importante pendant dix jours, entre 30 et 60 mètres cubes d'air comprimé, ainsi qu’une palette de produits chimiques parmi lesquels du cyanure, des acides, du plomb, du borate et de la chaux. » Les mines d'Afrique du Sud emploient plus de 400 000 personnes, dont 90 % sont noires.16
Le roi Ferdinand d’Aragon est l'auteur de cette phrase qu'il prononça en 1511 : « Ramenez de l'or, humainement si possible, mais – coûte que coûte – ramenez de l'or. »17
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L'or n’a pas toujours à être extrait. Quand il est transporté par les eaux d'un torrent, il suffit de s'avancer dans l'eau et de récupérer par orpaillage, à l’aide d’une batée*, les fragments de minerai aurifère détachés de la montagne. Depuis longtemps on le recueillait ainsi en Asie Mineure, où nous verrons que la production de pièces d'or a pour la première fois fait son apparition. Quelques 3500 ans plus tard, au début de la ruée vers l'or en Californie, le long des berges de la rivière Sacramento, les Forty-Niners arrivèrent en foule avec leur équipement rudimentaire pour orpailler l'or des eaux tumultueuses.
Ils mettaient en oeuvre les mêmes techniques que les anciens Grecs qui utilisaient des peaux de moutons non tondues pour recueillir l'or des rivières – les boucles serrées de la toison sont un excellent outil pour capturer et retenir les fragments d'or dans l'eau jaillissante. Parler de toison et d'or conduit immanquablement à évoquer Jason et la Toison d’Or, une légende qui mérite une digression pour sa morale.18
Phrixos, le fils du roi de Béotie, une région de Grèce située au nord-ouest d'Athènes, était bien maltraité par sa belle-mère. Aussi sa propre mère s’arrangea-t-elle pour que lui et sa soeur puissent s’enfuir sur le dos d'un bélier ailé dont la toison était constituée d'or pur, un cadeau magnifique qu'elle avait reçu d'Hermès (pour des services non spécifiés). Le voyage dut être inconfortable, la Toison d’Or pesant un bon poids, même pour un bélier offert par Hermès. Hellê, la soeur de Phrixos, était apparemment sujette au mal des transports car, ne disposant pas des commodités d'un jet liner moderne, la tête lui tourna, elle tomba du bélier et plongea dans la mer. En souvenir de l’événement, on nomma l'endroit où elle disparut Hellespont.**
Mais Phrixos tint bon. Au terme d’un voyage de plus de 1500 km, son bélier le déposa en Colchide sur la cote orientale de la mer Noire. Heureux d'être sain et sauf, Phrixos sacrifia le bélier à Zeus et offrit sa toison au roi local, Aétès. Celui-ci était ravi car un oracle lui avait prédit que sa vie dépendrait de la possession d’une telle toison. Il cloua la Toison d’Or sur un chêne d’un bosquet sacré et installa un énorme dragon assoiffé de sang pour la garder.
Pendant ce temps-là, dans le Péloponnèse, un roi nommé Pélias se décidait enfin à se débarrasser de son beau et séduisant neveu, Jason, qui insistait sur les droits de sa famille à prétendre au trône. Pélias dit à Jason qu'il pourrait monter sur le trône s’il accomplissait d'abord un exploit « qui conviendra bien à ta jeunesse et que je suis trop vieux pour accomplir moi-même... Rapporte la toison du bélier en or.... Quand tu reviendras avec ton magnifique trophée, tu recevras le royaume et le sceptre. »19 Pélias était loin d’imaginer que Jason réussirait et reviendrait un jour avec sa conquête. Il était persuadé, au contraire, que Jason périrait en chemin ou bien serait dévoré par le dragon.
Jason s'empara bien de la Toison d’Or, avec l'aide des Argonautes, mais seulement au terme de longues et périlleuses aventures. Et encore n'aurait-il pas réussi sans l'assistance de la fille d'Aétès, la princesse Médée aux pouvoirs magiques. Eros avait décoché sa flèche sur Médée et elle était tombée follement amoureuse de Jason. Elle mit en oeuvre tout son art pour qu’il s’éprenne d'elle à son tour. Jason était suffisamment attiré par Médée pour lui proposer de la ramener en Grèce, à la condition qu'elle l'aide d’abord à s’emparer de la Toison d’Or. Malgré tout l'amour qu'elle lui portait, Médée hésitait devant ce qui pouvait n'être qu'un stratagème de séducteur. « Ô étranger, lui dit-elle en larmes, jure par tes dieux et en présence de tes amis que tu ne me répudieras pas dès que je serais seule en ton lointain pays. »20 Jason jura que dès qu'ils seraient retournés en Grèce il ferait d'elle son « épouse légitime. » Ce genre de serment offrant les mêmes garanties que les contrats rédigés de nos jours, Médée exécuta sa part de l'engagement ; par ses chants elle endormit le dragon ; et Jason pu arracher la Toison de l'arbre.
L'histoire n'a pas une fin heureuse, car Jason se révéla, en fait, un ambitieux sans scrupule. Dès le début, il avait décidé qu'il deviendrait roi dans son pays. Il avait risqué sa vie et celle de ses amis à la recherche de la peau de mouton en or. Il avait utilisé la fille d'un roi pour porter ses enfants et lui avait promis qu’il l’épouserait. Mais, rentré en Grèce et découvrant qu'il ne pouvait toujours pas monter sur le trône, il décida de s'enfuir avec Médée à Corinthe. Là-bas, il séduisit la fille du roi Créon mais n'avoua ses manoeuvres à Médée qu'après que Créon eut accepté les fiançailles de Jason avec la princesse. Quand Médée en pleurs lui rappela le serment solennel qu'il avait fait en Colchide, Jason justifia sa conduite en déclarant que c’était mieux pour les enfants car sa nouvelle fiancée avait à Corinthe un meilleur réseau politique et social que Médée. En consolation, il lui donna un peu d'or et demanda à des amis de lui offrir l'hospitalité.
Médée lui régla son compte. Avec une touche de raffinement qui sied à l'occasion, elle créa une magnifique robe en tissu d'or qu'elle imprégna de poison et elle l’offrit en cadeau à la fiancée de Jason. Eblouie par la vue du magnifique vêtement, la pauvre jeune femme se drapa dans l'étoffe radieuse, tressa la couronne d'or dans ses cheveux et mourut d'une mort horrible. Médée acheva sa vengeance en tuant ses propres fils, puis elle s'enfuit sur un chariot emporté par les dragons qu'elle avait convoqués avec ses pouvoirs. De désespoir, Jason se jeta sur sa propre épée et mourut sur le seuil de sa maison.
L'or de la Toison d'Aétès était pour Jason la promesse du pouvoir. Ce pouvoir lui avait apporté une princesse, qui à son tour lui promettait un trône. Mais finalement c'est l'or qui détruisit le couple et l’avenir de Jason.
Notes du chapitre 1 : Rapportez de l'or, coûte que coûte
1. Chambre des Mines d’Afrique du Sud et Sutherland, 1959, p. 12.
2. Bartlett, John, 1943. Familiar Quotations, 11e édition, Christopher Morley éd., Boston, Little, Brown & Co. Cette citation vient de la dernière livraison de Will Rogers à la presse, envoyée de Fairbanks et publiée le 15 août 1955, le jour où il mourut dans un accident d’avion.
3. World Gold Council (Conseil Mondial
de l’Or).
4. Job, 31, 24-25.
5. Sutherland, 1959, p. 57.
6. Ibid., p. 57.
7. Ibid., p. 57.
8. Marx, 1978, p. 236.
9. Encyclopedia Britannica en ligne, Egypt: History: The New Kingdom: The 18th Dynasty.
10. Marx, 1978, pp. 48-53.
11. Jacob, 1831, p. 55.
12. Ibid., pp. 50-59.
13. Marx, 1978, p. 44.
14. Jacob, 1831, p. 56.
15. Marx, 1978, p. 193.
16. Green, 1993, pp. 405-407.
17. Ibid., p. 17.
18. Pour l’histoire complète, voir Schwab, 1946, pp. 86-102.
19. Schwab, 1946, p. 87.
20. Ibid., p. 122.
* Environ 25 mètres cubes.
** Les chercheurs d'or arrivés en Californie en 1849.
* 1 pied = 30,48 centimètre.
** Expression anglaise qui signifie « une fourniture parfaitement inutile, » car la ville de Newcastle est située dans une région riche en charbon.
* Récipient peu profond dans lequel on lave les sables et les graviers aurifères.
** De nos jours, le détroit des Dardanelles, à l’extrémité sud-ouest de la mer de Marmara.